Il est beaucoup question de nouveauté dans la liturgie pascale. La louange du cierge pascal, au début de l’office, nous parle de « l’aube nouvelle d’un monde rajeuni » dans la Pâque du Christ. La bénédiction de l’eau qui précède les baptêmes demande de « renouveler notre nature pécheresse dans le bain de la nouvelle naissance ». La prière d’ouverture de la messe du jour de Pâques demande, elle, que l’Esprit Saint « fasse de nous des hommes nouveaux, pour que nous ressuscitions dans la lumière de la vie ». Par –dessus tout une des admirables oraisons de la veillée, celle qui conclut les lectures de l’ancien testament et qui provient des anciens sacramentaires, de la liturgie des premiers siècles, dit ceci : « Que le monde entier reconnaisse la merveille : ce qui était abattu est relevé, ce qui avait vieilli est rénové, et tout retrouve son intégrité première en Celui qui est le principe de tout, Jésus-Christ notre Seigneur ». Une autre très antique oraison le résume d’un seul mot : elle demande que nous soyons en capacité d’accueillir la « sainte nouveauté » : capaces sanctae novitatis.
Mais qu’est-ce que la nouveauté de Pâques ? Nous ne nous faisons peut-être pas une idée très juste de la nouveauté. Nous la confondons avec l’éphémère. Ce qui est « neuf » pour nous aujourd’hui, c’est ce qui sera vieux demain ; ce sont les produits de notre monde de la consommation et de la surinformation : une nouvelle technologie rend obsolète aujourd’hui ce qui était à la pointe hier, comme pour nos ordinateurs et nos téléphones portables ; une nouvelle information chasse immédiatement l’autre, alors que les médias ne parlaient que de cela la veille. Ce n’est pas cette nouveauté mobile, qui n’est qu’une fuite en avant, que la grâce de Pâques veut nous offrir. La nouveauté de Pâques, c’est justement que le Christ nous fait entrer dans le définitif. « Ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus. Sur lui la mort n’a plus aucun pouvoir. Car il est mort, et c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes ; il est vivant, et c’est pour Dieu qu’il est vivant. » Comme le dit la liturgie, le Christ vient nous rendre notre « intégrité première » ; car c’est le péché, au fond, qui nous entraîne dans cette fuite en avant, qui nous fait croire que parce nous aurons en mains des produits « nouveaux », parce que nous éprouverons des sensations « nouvelles », nous échapperons à la dégradation et à la mort. Mais tout ce qui est du péché – l’orgueil, la violence, l’indifférence, la domination – est toujours déjà vieux ; et les vertus de l’évangile – l’amour, la miséricorde, le pardon n – sont toujours neuves, fraîches, inépuisables, comme une source qui se renouvelle toujours et qui renouvelle ceux qui s’en approchent.
Ils vont donc entrer dans la nouveauté de Pâques, la sainte nouveauté de l’Evangile, ceux qui vont recevoir le baptême aujourd’hui. Prions pour eux, pour qu’ils accueillent du fond du coeur cet amour du Seigneur qui les accompagnera toujours, qui pourra être en eux cette force de rénovation permanente. Et que la grâce qu’ils vont recevoir ravive en nous la même grâce, celle de notre baptême, celle qui peut nous donner, jusqu’au dernier jour, d’accueillir la nouveauté merveilleuse que le Christ nous offre, si seulement nous ouvrons nos coeurs à son amour.
L’abbé B. Martin