Voici l’homme. Ce n’est pas sans raison que l’évangéliste a rapporté ces mots de Pilate, leur donnant une dimension révélatrice, prophétique, insoupçonnée de celui qui les prononçait. Voici l’homme. Et si ces mots étaient la réponse à la question que tout homme, à un moment ou à un autre de son existence, se pose, plus ou moins douloureusement ? Si cet homme, à ce moment, nous révélait justement ce que c’est que l’homme, et qui est l’homme véritable ?
Voici l’homme. Ce n’est pas l’homme se prenant si follement pour le maître de l’univers ; l’homme enivré de sa science et de ses capacités, qui triture et manipule la création ; ce n’est pas l’homme qui croit que tout ce qui est techniquement possible est moralement acceptable.
Voici l’homme. Ce n’est pas l’homme cupide et orgueilleux, celui qui est prêt à tout pour arriver à satisfaire ses désirs et à combler ses ambitions, l’homme pour qui la fin justifie toujours les moyens.
Voici l’homme. Ce n’est pas l’homme violent et meurtrier, celui qui n’épargne même pas le sang de ses semblables, celui qui va jusqu’à justifier ses crimes au nom de Dieu.
Voici l’homme. Cet homme devant Pilate, c’est l’homme des douleurs. L’homme sacré dans le mystère de sa pauvreté, de ses souffrances, du mal qui le frappe ; mais aussi l’homme plus grand que l’injustice qu’il subit, l’homme libre alors que ses bourreaux sont esclaves, l’homme qui rend témoignage à la vérité, même au prix de sa vie.
Voici l’homme. Cet homme devant Pilate, c’est aussi l’homme tel qu’il est sorti des mains de Dieu, l’image et le resplendissement de la substance du Père. L’homme tel qu’il serait sans le péché, dans l’innocence de son enfance, dans la splendeur de sa maturité, dans la sérénité de sa vieillesse.
« Mon Dieu, prenez-moi tel que vous m’avez fait et tel que je me suis défait, priait le philosophe Gustave Thibon : Ayez pitié en moi de votre image ».
Placés ce soir devant Celui en qui se révèle tout ce qui est de l’homme, demandons-lui d’être ainsi remodelés à Son image. Ainsi parle la liturgie de ce jour : « Accorde-nous d’être semblables à ton Fils : du fait de notre nature, nous avons dû connaître la condition du premier homme, qui vient de la terre ; sanctifie-nous par ta grâce, pour que nous connaissions désormais la condition de l’homme nouveau qui appartient au ciel.»[1]
L'abbé B. Martin
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