Conférence de Carême du 1er Mars - Bernard Malcurat

LA FOI DE L'EGLISE DANS L'EUCHARISTIE :

L'ENCYCLIQUE "MYSTERIUM FIDEI" (1965)

I - Introduction

L’encyclique «Mysterium fidei» est la troisième encyclique du Pape Paul VI. Après «Ecclesiam suam» (L’Eglise du Christ) encyclique sur le dialogue dans l’Eglise et hors de l’Eglise, publiée le 6 août 1964 et «Mense Maio» (Le mois de mai) sur la Vierge Marie, datée du 29 avril 1965, l’encyclique «Mysterium fidei», (Mystère de foi) sur l’Eucharistie, est parue le 3 septembre 1965. Remarquons déjà que si la première encyclique est donnée «a nos vénérables frères, patriarches, primats, archevêques, évêques et autres ordinaires, en paix et communion avec le siège apostolique, au clergé et aux fidèles de l'univers, ainsi qu'à tous les hommes de bonne volonté», «Mense Maio» n’est offerte qu’ «aux Vénérables Frères Patriarches, Primats, Archevêques, Evêques et autres Ordinaires des lieux en paix et communion avec le Saint Siège» ce qui s’explique par sa spécificité mariale et «Mysterium fidei» «A Nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques, Evêques et autres Ordinaires des lieux, au clergé et aux fidèles du monde entier» et non pas à tous les hommes de bonne volonté, puisqu’elle traite spécifiquement de l’Eucharistie.
Il me semble important, dans un premier temps de situer cette encyclique «Mysterium fidei» parmi les nombreux événements de ces années 60.
  • 28 octobre 1958 : Angelo Roncalli est élu Pape : il prend le nom de Jean XXIII
  • 11 octobre 1962 : Jean XXIII ouvre le Concile Vatican II
  • 3 juin 1963 : Mort de Jean XXIII
  • (il sera béatifié le 3 septembre 2000 par Jean-Paul II et canonisé le 27 avril 2014 par le Pape François)
  • 21 juin 1963 : Le Cardinal Giovanni-Battista Montini, archevêque de Milan, est élu Pape : il prend le nom de Paul VI
  • 22 juin 1963 : Dans son discours aux cardinaux dans la Chapelle Sixtine, il annonce sa volonté de poursuivre les travaux de Vatican II : « La partie la plus importante de notre pontificat sera occupée par la continuation du deuxième concile œcuménique du Vatican, vers lequel sont tournés les yeux de tous les hommes de bonne volonté. »
  • 4 décembre 1963 : Promulgation de la constitution « Sacrosanctum Concilium »
  • 3 septembre 1965 :   Paul VI signe l’encyclique « Mysterium Fidei »
  • 8 décembre 1965 : Paul VI clôture le Concile « Vatican II »
De nombreux documents seront promulgués tout au long du Concile, dont neuf décrets et trois déclarations, mais surtout quatre constitutions (document qui légifère sur des questions de dogme ou d'administration de l'Eglise) :
  • le 4 décembre 1963, la constitution « Sacrosanctum concilium » sur la sainte Liturgie ;
  • le 21 novembre 1964, la constitution dogmatique (l'adjectif "dogmatique" indique que l'objet de cette constitution est les vérités de la foi) « Lumen gentium » sur l’Eglise ;
  • le 18 novembre 1965, la constitution dogmatique « Dei verbum » sur la Révélation divine ;
  • le 7 décembre 1965, la constitution pastorale (l'adjectif "pastoral" signifie que l'objet de cette constitution est de proposer des orientations et déterminations concernant la vie chrétienne dans les circonstances historiques de notre temps) « Gaudium et spes » sur l’Eglise dans le monde de ce temps. 
Vous aurez sans doute remarqué que la constitution « Sacrosanctum concilium » a été la première à être promulguée. Les débats furent vifs sur la langue liturgique et la concélébration (326 interventions orales et 600 écrites entre octobre 1962 et décembre 1963). Toutefois, la Constitution fut adoptée presque à l’unanimité, avec 2 147 placet contre 4 non placet. La réforme des rites et des livres liturgiques sera entreprise presque aussitôt après, et confiée au Conseil pour l’application de la constitution sur la Liturgie (Consilium), créé en février 1964, ainsi qu’aux conférences épiscopales. « C’était un programme, dont il faut bien reconnaître qu’il a entraîné une dynamique qui n’était pas explicitement écrite dans le texte du Concile », relève le Père Paul de Clerck, théologien belge, éminent liturgiste.

La réforme fut accueillie très rapidement par les fidèles, heureux de s’approprier ce « trésor caché ». Bien que les Pères conciliaires aient pris des dispositions pour que cette réforme puisse s’appliquer facilement, en particulier en soulignant la place des organismes compétents, son application suscita aussi des tensions dès les premières années. Dans sa lettre apostolique du 4 décembre 1988, pour le 25ème anniversaire de la promulgation de la constitution « Sacrosanctum concilium », le Pape Jean-Paul II n’hésita pas à parler d’ « innovations fantaisistes » pour la mise en place de cette réforme, affirmant aussi que ces déviations, « loin d’être liées à la réforme liturgique elle-même, ou aux livres qui en sont issus, lui contreviennent directement, la défigurent ».

Le bienheureux Pape Paul VI, réaffirmant que l’Eucharistie est au centre de la liturgie, « source et sommet de toute vie chrétienne » (GL n°11) avait-il perçu dès la promulgation de cette constitution que sa mise en œuvre pourrait être laborieuse, en tous cas, il a souhaité, moins de deux années après, donner cette encyclique « Mysterium fidei » qui va apporter quelques précisions que le Souverain Pontife a jugé nécessaires.
Aussi après avoir énumérer les sujets de préoccupation pastorale énoncés par le Pape, nous nous attacherons à développer les trois sujets qui l’interrogent particulièrement : la messe communautaire, la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie et le culte d’adoration dû à l’Eucharistie.


II - Les sujets de préoccupation pastorale

Le Saint Père se dit « soucieux et préoccupé » par certaines opinions qui troublent l’esprit des fidèles et perturbent les idées reçues de notre foi. Le pape insiste sur le fait que personne ne doit agir « comme s’il était loisible à qui que ce soit de laisser dans l’oubli la doctrine précédemment définie par l’Eglise ou de l’interpréter de manière à appauvrir le sens authentique des termes ». Cette phrase forte nous dit combien Paul VI tient à valoriser la tradition de l’Eglise et lutter contre tout ce qui peut « compromettre la foi et le culte envers la divine Eucharistie ». Cependant, le bon père, le pasteur universel qu’es
t le successeur de Pierre ne peut s’empêcher, délicatement, de renouveler sa confiance en ses fils, en ne « niant pas le désir louable de scruter un si grand mystère, d’en explorer les inépuisables richesses et d’en découvrir le sens aux hommes de notre temps. » S’il approuve cette démarche, Paul VI ne peut soutenir les « opinions émises par ces chercheurs » et il accomplit son devoir en prévenant du danger que pourrait courir « la vraie foi ».
L’Eucharistie, comme il est dit dans l’anamnèse, est un grand mystère de la foi duquel nous ne pouvons nous approcher avec un raisonnement humain, mais en nous attachant à la Révélation divine. Le pape rappelle alors l’enseignement des Pères de l’Eglise dont voici quelques citations :
  • Saint Jean Chrysostome « Inclinons-nous devant Dieu sans protester, même si ce qu’Il nous dit paraît contraire à notre raison et à notre intelligence »
  • Saint Thomas d’Aquin « on ne saisit point [la présence réelle] par les sens, mais par la foi seule, laquelle s’appuie sur l’autorité de Dieu »
  • Saint Cyrille d’Alexandrie « Ne va pas te demander si c’est vrai, mais bien plutôt, accueille avec foi les paroles du Seigneur, parce que Lui qui est la vérité, ne ment pas. »

Le Pape pose une question forte : « qui pourrait jamais tolérer un jugement d’après lequel les formules dogmatiques appliquées par les Conciles Œcuméniques aux mystères de la Sainte Trinité et de l’Incarnation ne seraient plus adaptés aux esprits de notre temps et devraient témérairement être remplacées par d’autres » Et de renchérir « Comme l’enseigne le premier Concile du Vatican, dans les dogmes sacrés, on doit toujours garder le sens que notre Mère l’Eglise a déclaré une fois pour toutes et que jamais il n’est permis de s’en écarter sous le prétexte spécieux d’intelligence plus profonde. »

Le Saint Père affirme que « le Concile a suscité l’espérance d’un nouveau rayonnement de piété eucharistique » dans l’Eglise tout entière et « il ne faut pas que le bon grain soit étouffé par les opinions erronées semées ça et là ». Paul VI considère, qu’en vertu de son autorité apostolique, il est de son devoir de nous mettre en garde et de nous faire part de sa pensée en la matière.

Sa première préoccupation est la relation entre la messe privée et la messe communautaire.

III - La messe communautaire


Le Saint Père ne développe pas très longuement la question de la messe sinon pour rappeler que le sacrifice eucharistique se réalise dans le sacrifice de la messe. Cette oblation, l’Eglise l’a toujours offerte « non seulement pour les péchés, les peines, les satisfactions et d’autres nécessités des fidèles vivants, mais aussi pour ceux qui sont morts dans le Christ et ne sont pas encore purifiés » comme l’affirme le Concile de Trente. Mais le Pape insiste aussi sur le fait que « l’Eglise est tout entière à offrir le sacrifice de la messe et elle y est offerte tout entière »

Le Saint Père veut donc affirmer que « la messe, même si elle est célébrée en particulier par un prêtre, n’ai jamais pour autant une démarche privée mais elle est l’action du Christ et de l’Eglise (…) Il n’est pas de messe qui ne soit offerte pour le salut du monde entier et non seulement pour le salut de quelques personnes » Paul VI encourage vivement les messes communautaires, auxquelles les « fidèles participent en grand nombre », mais approuve aussi les messes à caractère privé « avec un seul ministre pour la servir » car elles sont aussi abondance de grâces pour ce prêtre, pour le peuple, pour toute l’Eglise et pour le monde entier. C’est pourquoi le Pape encourage les prêtres à célébrer chaque jour la messe : ainsi, ils « contribueront grandement au salut du genre humain ».
Dans le sacrifice de la messe, le Christ se rend sacramentellement présent : c’est pour le Saint Père un deuxième sujet de préoccupation.

IV - La présence réelle


Le Christ se rend présent à son Eglise de multiples façons. D’abord par la prière, étant, comme le dit Saint Augustin, celui « qui prie pour nous, qui prie en nous et que nous prions ; Il prie pour nous comme notre prêtre ; Il prie pour nous comme notre chef ; nous le prions comme notre Dieu » (St Augustin In ps. 85, 1 ; PL 37, 1081).

Il est présent aussi dans les œuvres de Miséricorde accomplies par l’Eglise : « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. » (Mt 25, 45)

Il est présent dans l’Eglise qui prêche, puisque l’Evangile proclamé au nom et par l’autorité du Christ, est Parole de Dieu.

Il est présent à l’Eglise qui gouverne le Peuple de Dieu, puisque le pouvoir sacré découle du Christ par le sacrement de l’ordination et que le Christ assiste les pasteurs qui exercent ce pouvoir.

Il est présent dans chaque sacrement qu’Il administre Lui-même par l’action des hommes et tout particulièrement dans le sacrement de l’Eucharistie.

Le Concile de Trente, 19ème Concile œcuménique reconnu par l’Eglise, s’est déroulé du 13 décembre 1545 au 4 décembre 1563. Les actes de ce Concile « affirment ouvertement et sans détour que dans le vénérable sacrement de la sainte Eucharistie, après la consécration du pain et du vin, notre Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, est présent vraiment, réellement et substantiellement sous l’apparence de ces réalités sensibles ». Paul VI utilise dans l’encyclique ce terme qui pourrait paraître difficile, ce « gros mot » de transsubstantiation.

Dans son petit livre « vocabulaire du Christianisme », Michel Feuillet, professeur à l’université Lyon III-Jean Moulin, donne cette définition de la transsubstantiation « doctrine de la Théologie catholique selon laquelle le pain et le vin de la messe deviennent réellement le Corps et le Sang du Christ, au moment de la consécration. Le mot, adopté par le Concile du Latran IV en 1215, signifie un changement total de substance : du pain et du vin, il ne subsiste que les apparences (les Espèces) » (Michel Feuillet - Vocabulaire du Christianisme - 3° édition - PUF - 2009 - p.21)
Le Saint Père s’appuie aussi sur le témoignage de la tradition, en citant plusieurs Pères de l’Eglise :
  • Saint Cyrille de Jérusalem (vers 315 – 387) « Instruit de ces vérités et pénétré de la foi très sûre que malgré la sensation du goût, ce qui semble du pain, n’en est pas, mais est le Corps du Christ, et qu’en dépit de la saveur éprouvée, ce qui semble du vin n’en est pas, mais est le Sang du Christ […] Fortifie ton cœur en mangeant ce pain comme une nourriture spirituelle et rayonne la joie au visage de ton âme »
  • Saint Jean Chrysostome (vers 344 – 407) « Ce n’est pas l’homme qui fait que les oblats deviennent Corps et Sang du Christ, mais le Christ Lui-même qui a été crucifié pour nous. Le prêtre, figure du Christ, prononce ces paroles, mais leur efficacité et la grâce sont de Dieu. Il dit : Ceci est mon Corps. Cette parole transforme les oblats. »
  • Saint Cyrille d’Alexandrie (376 – 444) « [Le Christ] a dit au mode indicatif : ceci est mon Corps, ceci est mon Sang, afin que tu n’apprécies pas ce que tu vois comme une simple image, mais afin que tu crois que les oblats sont transformés réellement au Corps et au Sang du Christ, d’une manière mystérieuse, par la toute puissance de Dieu ; participant à ce Corps et à ce Sang, nous recevons la force vivifiante et sanctifiante du Christ. »
  • Saint Ambroise de Milan (vers 340 – 397) « Reconnaissons que ceci n’est pas ce que la nature a formé, mais ce que la bénédiction a consacré et que la force de la bénédiction l’emporte sur celle de la nature, parce que par la bénédiction, la nature elle-même se trouve changée. »

Si le Saint Père insiste avec autant de force sur la transsubstantiation, c’est parce que des questions se sont posées semant le trouble dans le peuple chrétien. Certains théologiens l’auraient volontiers remplacée par la transsignification et la transfinalisation qui veulent dire que la signification et la finalisation du pain et du vin qui sont de nourrir le corps sont changés en une nouvelle signification et une nouvelle finalisation qui sont de nourrir la vie éternelle !

Le Pape insiste aussi sur le fait qu’il n’est pas permis de suivre dans la pratique ceux qui voudraient que notre Seigneur Jésus Christ ne soit plus présent dans les hosties consacrées qui restent après la célébration de la messe.
Avec de tels raisonnements, le doute peut s’installer ! C’est un sentiment humain et qui ne remonte pas à 1965 ! Dans son livre « prodiges eucharistiques du VIIIème siècle à nos jours », l’Abbé Jean Ladame relate le miracle de Lanciano (Abbé Jean Ladame - Prodiges Eucharistiques du VIIIème siècle à nos jours - Familles et Eucharistie - 2008 - p.242). Lanciano est une ville italienne de la province de Chieti dans la région des Abruzzes. Un moine basilien – c’est à dire suivant la règle de saint Basile de Césarée – célébrait la messe dans la petite église de saint Longin, du nom du centurion qui transperça le côté du Christ en croix. Après la consécration, il se mit à douter de la présence réelle du Christ dans les saintes espèces. C’est alors que, sous ses yeux, l’hostie se changea en un morceau de chair et le vin consacré en du sang réel qui se coagula en cinq caillots de formes irrégulières.
Plusieurs reconnaissances de ces reliques ont eu lieu au cours des siècles. Les expériences scientifiques menées, à la demande de l’évêque du lieu, Monseigneur Perantoni, en 1970 par le professeur Linoli, chef de service à l’hôpital d’Arezzo, comme celles menées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1973 attestent que la chair miraculeuse (un morceau de cœur) est vraiment de la chair et que le sang miraculeux est du sang véritable et ils sont tels que si on les avaient prélevés le jour même sur un vivant. Une conclusion s’impose dans la foi : le Christ est vivant, adorons-Le !

A ce propos, justement, Paul VI cite saint Augustin « Dans cette chair, [le Seigneur] a marché sur notre terre et Il nous a donné cette même chair à manger pour notre salut ; et personne ne la prend sans l’avoir d’abord adorée… de sorte qu’en l’adorant nous ne péchons point mais au contraire, nous péchons si nous ne l’adorons pas. »

V - Le Culte de l'Eucharistie

Le culte d’adoration du à l’Eucharistie se réalise durant la messe, bien sûr, mais pas seulement. C’est pourquoi l’Eglise a prévu de conserver avec le plus grand soin, au tabernacle, les hosties consacrées. Cette sainte réserve est d’abord destinée aux absents et aux malades auxquels le Saint Sacrement peut être porté, mais aussi les hosties consacrées peuvent être présentées aux fidèles « pour qu’ils les vénèrent avec solennité. »
De cette vénération est née la Fête-Dieu, qui fut célébrée pour la première fois dans le diocèse de Liège en 1246 et que le Pape Urbain IV – fils d’un savetier de Troyes comme chacun sait – étendit à l’Eglise universelle.
Paul VI demande encore que soit promu « sans épargner paroles et efforts » « le culte eucharistique vers lequel, en définitive, doivent converger toutes les autres formes de piété. »
Deux souhaits du Saint Père sont à souligner :
  • « Que chaque jour, comme c’est à souhaiter, les fidèles en grand nombre prennent une part active au Sacrifice de la Messe, se nourrissant de la Sainte Communion avec un cœur pur et saint et qu’ils rendent grâces au Christ Notre Seigneur pour un si grand bienfait. »
  • « Qu’au cours de la journée, les fidèles ne négligent point de rendre visite au Saint Sacrement, qui doit être conservé en un endroit très digne des églises, avec le plus d’honneur possible, selon les lois liturgiques. Car la visite est une marque de gratitude, un geste d’amour et un devoir de reconnaissance envers le Christ Notre Seigneur présent en ce lieu. »
En terminant cette encyclique, Paul VI souligne encore deux vertus de l’Eucharistie ; elle est présente au cœur de nos vies et elle est signe et exigence d’unité. Je cite in extenso ces deux passages car je les trouve d’une très grande beauté et d’une exigeante mais tonifiante espérance.
Au cœur de nos vies, le Christ est vraiment l’Emmanuel, Dieu avec nous ! « Car jour et nuit, il est au milieu de nous et habite avec nous, plein de grâce et de vérité ; il restaure les mœurs, nourrit les vertus, console les affligés, fortifie les faibles et invite instamment à l’imiter tous ceux qui s’approchent de Lui, afin qu’à son exemple, ils apprennent à être doux et humbles de cœur, à chercher non leur propre intérêt, mais ceux de Dieu. »
« Ainsi quiconque entoure le vénérable sacrement d’une dévotion spéciale, et tâche d’aimer d’un cœur disponible et généreux le Christ qui nous aime infiniment, éprouve et comprend pleinement, avec beaucoup de joie intérieure et de fruit, le prix de la vie cachée avec le Christ en Dieu ; il sait combien il est précieux de s’entretenir avec le Christ, car il n’est sur terre rien de plus doux, rien de plus apte à faire avancer dans les voies de la sainteté. »
Et le Saint Père d’expliquer que le lieu où est conservé l’Eucharistie est le centre spirituel de nos communautés et de l’Eglise universelle, car il « contient le Christ, chef invisible de l’Eglise, rédempteur du monde, centre detous les cœurs. » Aussi, animé de cet amour, nous passerons du bien particulier au bien commun, dans nos communautés et nous étendrons la charité au monde entier, avec tous nos frères.
« Nous voulons exprimer [le désir d’unité] (…) dans les termes où l’a formulé le Concile de Trente, dans la conclusion du décret sur la sainte Eucharistie : « Pour finir, en son affection paternelle, le saint Concile avertit, exhorte et conjure, par les entrailles de la miséricorde de Dieu, ceux qui portent le nom de chrétiens, tous et chacun, de se retrouver et de ne faire enfin une bonne fois qu’un seul cœur dans ce signe de l’unité, dans ce lien de la charité, dans ce symbole de la concorde ; que se souvenant de la majesté si grande et de l’amour si admirable de notre Seigneur Jésus Christ, qui a donné sa vie très chère pour prix de notre salut et qui nous a donné sa chair à manger, ils croient et vénèrent les saints mystères de son corps et de son sang avec une foi constante et ferme, avec une ferveur de cœur, avec une piété et un respect qui leur permettent de recevoir fréquemment le pain super substantiel. »
Paul VI appelle de ses vœux l’unité des chrétiens, pour que nous célébrions le mystère de l’Eucharistie d’une seule voie et d’une même foi et que nous ne formions qu’un seul corps comme l’a voulu le Christ.
Et le Pape termine en citant saint Ignace : « Tachez donc de pratiquer une seule Eucharistie, car une est la chair de notre Seigneur Jésus Christ ; il y a un seul calice dans l’unité de son sang, un seul autel, un seul évêque… »

VI - Conclusion


 En terminant ce propos, je ne puis m’empêcher de constater combien, après cinquante années, cette encyclique « Mysterium Fidei » est d’une brulante actualité. Il semble en effet que nous ayons encore tant de progrès à faire pour accomplir ce que demande le Bienheureux Paul VI, en particulier dans notre manière de considérer l’Eucharistie et la manière de l’honorer en l’adorant. Pourtant, dans sa grande sagesse, notre sainte Mère l’Eglise met à notre disposition tous les moyens d’y parvenir, que ce soit la Bible, dont la traduction a été récemment une fois encore affinée, que ce soient les rituels, que ce soient les nombreux textes doctrinaux et autres encycliques. Même dans nos paroisses, l’adoration existe !

Ne devons-nous pas être plus soucieux de la façon de recevoir la sainte hostie, Corps de notre Seigneur, avec plus de dignité et d’amour ?

Ne devons-nous pas vénérer le Corps de notre Seigneur présent au tabernacle ? Le mot génuflexion n’a pas été banni du dictionnaire ! Mais il faut être très prudent et surtout ne juger personne. Chacun a sa manière d’aimer et d’adorer le Saint Sacrement.

Pour ne citer qu’un exemple, je reprendrai une citation de Romano Guardini (1885 – 1968) grand théologien allemand. Elle est extraite de l’ouvrage du Père Pierre Descouvemont « Guide des difficultés de la foi catholique » (Pierre Descouvemont - Guide des difficultés de la foi catholique - Cerf - 2009 - p. 434) : « Parfois, s’agenouiller est impossible, on s’y trouve gêné. On se lève alors, on se sent libre. Mais qu’on se tienne vraiment debout, sur ses deux pieds, sans s’appuyer ni fléchir les genoux – droit, ferme, énergique. » Dieu connaît le fond de notre cœur !
Il faut cependant souligner, à en croire le nombre d’encycliques, lettres pastorales, et autres instructions des divers dicastères romains, qui nous ont été données pendant ces cinquante années, que l’intuition de Paul VI d’une difficile mise en œuvre de la constitution « Sacrosanctum concilium » n’était pas surfaite.
Mais aujourd’hui, on constate un autre phénomène qui se développe de façon inquiétante, même si les médias n’en font pas écho. Il s’agit de la profanation des églises, des lieux sacrés et surtout des tabernacles. Devant le développement des actes malveillants, l’évêque du diocèse de Belley-Ars, Monseigneur Pascale Rolland, s’est vu dans l’obligation, par une ordonnance épiscopale du 10 février 2015, de demander aux prêtres de tous les lieux de culte de retirer le Saint Sacrement des tabernacles et d’en laisser la porte ouverte ! Comment entrer dans une église sans présence réelle ? La veilleuse est éteinte, la porte du tabernacle est ouverte, nous ne sommes pas encore le vendredi saint ! Le recteur de la basilique du Sacré Cœur estime que « nous devons repenser notre façon d’entourer le Saint Sacrement » mais la meilleure réflexion vient sans doute de ce père de famille de trois enfants qui dit « Si on a profané des églises dans le diocèse, peut-être cela signifie-t-il que nous, catholiques, nous ne sommes pas assez porteurs de lumière dans le monde » Et de rajouter « cette situation invite à se poser une question en vérité : est-ce que la présence réelle du Christ nous touche et nous appelle à l’adorer davantage, ou est-ce quelque chose d’insignifiant pour nous ? »
Laissons le mot de la fin au bienheureux Pape Paul VI. Le 30 juin 1968, dans son homélie lors de la concélébration solennelle de conclusion de l’année de la Foi, le Saint Père affirme :
« L’unique et indivisible existence du Seigneur glorieux au ciel n’est pas multipliée, elle est rendue présente par le sacrement dans les multiples lieux de la terre où la messe est célébrée. Et elle demeure présente, après le sacrifice, dans le Saint-Sacrement, qui est, au tabernacle, le cœur vivant de chacune de nos églises. Et c’est pour nous un devoir très doux d’honorer et d’adorer dans la sainte hostie, que nos yeux voient, le Verbe incarné qu’ils ne peuvent pas voir et qui, sans quitter le ciel, s’est rendu présent devant nous. »
Merci de votre aimable attention.

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